275
En sortant de la bibliothèque, j'attends le 275. Sur le banc de l'abri, je commence à lire un des livres empruntés. Lorsque le bus arrive, je le range dans mon sac. Je n'ai pas le temps de le fermer entièrement mais je le maintiens serré contre moi à cause de la pluie. Une fois assise, je ressors le livre. Il s'agit d'un texte d'un avocat pénaliste. Il y parle de son métier mais aussi de son enfance, dans sa famille rapatriée d'Algérie. Je ne regarde rien autour de moi. Je lis. Je suis à l'intérieur du livre. Je suis en communion avec les mots. Cela faisait longtemps que je n'avais pas trouvé un texte qui me faisait cet effet. Je voudrais être capable d'écrire comme l'auteur, avec, à la fois cette clareté, cette profondeur, cette simplicité et cette sincerité.
Au tout début, lorsque je me suis assise et que j'ai vu que l'auteur était né en Algérie, je me suis souvenue d'un autre trajet, dans ce même bus, en sortant également de la bibliothèque. J'avais emprunté un album de jeunesse sur la guerre d'Algérie. Je le lisais. C'était en automne, les premiers froids arrivaient et j'étais un peu enrhumée. J'avais oublié de prendre un mouchoir et j'en ai demandé un à ma voisine. Elle a pu me dépanner.
- Merci beaucoup, C'est bête d'oublier ses mouchoirs à cette saison.
- Ah ! m'avait-elle dit en souriant. Je croyais que c'était votre livre qui était triste.
J'ai sûrement d'autres souvenirs dans ce bus. Je le vois comme un endroit à part, un petit cocon, hors du temps. Mon lieu idéal de lecture. Encore plus un jour comme aujourd'hui, quand il pleut dehors. Mais je ne le prends pas souvent, il y a une bibliothèque annexe juste en bas de mon immeuble.